Shay,la « jolie garce » du rap français

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Besoin de personne. Dire de Shay qu’elle est « l’ex-protégée de Booba », la petite-fille du chanteur congolais Tabu Ley Rochereau ou encore le nièce de Youssoupha, c’est ramener encore et toujours la rappeuse belge dans le sillage d’un homme. Pourtant, les hommes, Shay n’en a pas vraiment besoin pour briller. Elle qui domine aujourd’hui largement la scène rap féminine en France, a fait de son genre une force, de sa féminité un atout et de sa sensualité une arme. Portrait d’une bad bitch qui s’impose dans le monde – encore trop masculin – du rap hexagonal.

Une diva du ghetto

Vanessa Lesnicki est née à Bruxelles en août 1992, dans le quartier bien connu de Molenbeek-Saint-Jean. Issue d’un milieu très modeste, la jeune femme avoue elle-même avoir très tôt « voulu faire de l’argent ». Si la musique fait partie de son héritage familial (son grand-père est le premier chanteur noir à s’être produit à l’Olympia), il ne fait pour autant pas encore partie de son quotidien. Et c’est dans la rue, que Vanessa va aller chercher ce qui lui manque, en dealant.

Après avoir posé un jour sa voix sur un morceau enregistré par son jeune producteur de frère, « Le Motif », elle se fait repérer par celui qui est déjà une légende du rap en France : Booba. Son premier morceau « Cruella » sort en 2011, un son de trap pure, jusqu’ici encore méconnue en France et qui propulse avec lui la jeune Vanessa sur le devant de la scène. Shay est née. En 2016 sort son premier album « Jolie Garce », un succès critique et commercial, très vite certifié disque d’or. Depuis, Shay n’a cessé d’occuper la scène rap hexagonale. “Antidote” en 2019, “Pourvu qu’il pleuve” en 2024, soit trois albums en 8 ans mais aussi la naissance de son propre label « Jolie Garce Records ». A la croisée des influences entre le rap US, le dancehall caribéen et même le shatta, chaque morceau de Shay est un petit tube qui embrasse toute la musique que Vanessa aime.

 

Un féminisme crue

Dans ce monde du rap dans lequel tous les artistes, producteurs, distributeurs ou presque sont des hommes, Shay a très vite compris qu’être une femme serait sa force. Elle veut voir un egotrip au féminin, qui lui a cruellement manqué jusqu’ici sur la scène rap. A l’instar de ses consoeurs américaines Nicki Minaj ou Megan Thee Stallion, Shay joue fort la carte de la sensualité et le jeu du sexe. Les codes bien testostéronés du rap, l’artiste belge ne les contourne pas, elle les enlace jusqu’à leur tordre le cou. Dans ses sons on retrouve une Shay insolente, impudente voire provocante. Dans ses clips elle offre toujours une esthétique chiadée et sexualisée, dans laquelle les hommes sont les objets de son désir et jamais l’inverse.

Son passage, en tant que jurée, dans l’émission « Nouvelle École » sur Netflix a aussi permis à l’artiste de gagner en notoriété populaire. Aujourd’hui moins niche, Shay garde pour autant une vision claire de son parcours artistique. Pousser les murs bien trop virilistes du rap game pour laisser enfin de la place aux artistes féminines. Et à en écouter « Pourvu qu’il pleuve », son dernier album sorti en janvier dernier, une « tête de garce », dans le monde du rap, qu’est-ce que ca fait du bien.

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Camille Poher.