Jeune Hustler, pieds sur terre, tête dans les nuages

Le Flow x Jeune Hustler

À l’occasion de la parution de « CHF part.2 », Jeune Hustler s’est posé avec Le Flow l’espace d’un entretien. Les 10 tracks que composent le projet oscillent entre tempête et accalmie, un peu à l’image du quotidien de l’artiste valaisan ces deux dernières années. Si son identité artistique n’a pas bougé d’un iota, en revanche ses textes se veulent bien plus introspectifs que par le passé, la perte d’un être cher en 2024 ayant eu un impact certain sur sa vie et indirectement, sa musique. Portrait.

Depuis ses débuts solo il y’a quelques années, Jeune Hustler n’en finit plus de marquer les esprits à chaque sortie de skeud. Adepte du triptyque, le kickeur sort coup sur coup « N10 » (2019), « 11 de Légende » (2020) et « Fuck 12 » (2021) avant de plancher sur une nouvelle trilogie via « CHF » (2023). C’est donc avec deux ans de latence que le mc au flow affuté libère son second opus à la gloire du franc suisse : « Les tous premiers sons je les ai conçus direct après « CHF ». En avril 2024 j’avais entre 7 et 8 morceaux coffrés, il m’en restait deux avant de sortir le bail et puis, la vie a fait que j’ai dû changer la tonalité du projet. J’ai viré beaucoup de titres solaires pour les remplacer par des titres plus deep ». Une décision qui confère au disque un côté hybride, particulièrement frappant lors de l’écoute de la sixième track, « Météo » qui tranche net avec les précédentes pistes : « J’ai ressenti le besoin d’écrire ce morceau dans le mois qui a suivi le décès de mon père. De base, il ne devait même pas figurer sur le projet mais on a tous un sentiment de deuil au fond de nous, du coup le titre allait forcément parler à quelqu’un. Les gens de mon entourage proche m’ont tous dit qu’il fallait que je sorte le son. À l’inverse, on m’a conseillé d’enlever des titres plus contrastés par rapport à cette nouvelle D.A comme « Bali ». Au final certains sont restés car ils me plaisent et puis surtout, si je ne les sort pas maintenant je ne vais jamais les sortir ».

Comme pour ces précédentes sorties, « CHF part.2 » compte son lot de beatmakers, en majeure partie du cru valaisan. Parmi eux on retrouve Le Tigre, habitué des projets du Jeune H depuis l’époque Jouvence.corp ainsi que J1 GTB, jeune producteur montheysan multi certifié : « Le Tigre, c’est le gars le plus créatif avec qui j’ai bossé. Son créneau est assez niche comme le mien, il va à contre-courant des vrais codes du rap. Avant d’être un beatmaker c’est un musicien de fou ce mec, mais ce n’est pas toujours évident de s’approprier ce qu’il fait pour un artiste. J1 GTB c’est l’extrême inverse, ses prods s’inscrivent dans les sonorités actuelles et il est ultra connecté. Deux profils différents donc, mais hyper talentueux. Les gens dorment encore beaucoup trop sur le Valais ». Autre constante chez le rappeur, ses featurings. Unique invité du projet, Cinco rejoint la liste d’artistes avec qui Jeune Hustler a collaboré ; Infinit’, La Fève, M le Maudit, MEGA…des blazes de prestige sur le papier, bien que le principal intéressé mise avant tout sur le côté organique de ses collaborations : « Je n’ai jamais perçu le featuring comme un truc calculé. Si je me connecte avec un artiste c’est que je kiffe sa musique avant tout. Certes, j’ai réussi à attirer des grands noms mais ce n’est pas une condition sine qua non pour faire péter un projet. Je ne vais jamais me la racler parce que j’ai eu tel artiste, de la même manière que je ne vais jamais pousser un feat ni me forcer à le clipper etc…».

Le Flow x Jeune Hustler

Autre collaboration de longue date, l’illustrateur Bird, à l’origine de toutes ses covers : « C’est un gars que je connais depuis 15 ans, du coup les références, les codes, la vision…on a les mêmes. Niveau processus créatif je lui donne une idée de concept, je lui envoie quelques sons et à partir de ça, il coordonne le tout avec ses dessins, en mode full carte blanche. Pour la pochette de « CHF part.2 » on a décidé de partir sur les mêmes bases visuelles que « CHF », si ce n’est que l’univers est beaucoup sombre, ancré dans la nuit ». Rares sont les artistes valaisans à avoir accompli le même cheminement que Jeune Hustler, le tout en totale indépendance. Alors lorsque survient la question relative à son futur proche, ce dernier se veut pragmatique : « La musique m’a fait passer des moments uniques, j’ai pu voyager avec mon équipe et récemment, plein de petits de chez moi osent se lancer dans le son, c’est une belle reconnaissance. Je suis fier de mon parcours, mais j’en attend pas beaucoup plus honnêtement.

Des labels m’ont souvent approché suite à la sortie de mes projets mais jamais aucun contrat ne m’a convenu, ce sont mes valeurs qui priment. Je vais bientôt aller sur mes 30 piges mine de rien, et peut-être fonder une famille plus tard, donc je n’exclue pas de raccrocher…c’est le côté le plus frustrant du rap suisse ; même si t’as l’envie, au bout d’un moment t’es usé. Vis-à-vis de ces questions-là, j’ai la chance d’avoir toujours été quelqu’un de réaliste donc je kiffe à fond la musique, sans déception aucune ».Plus que jamais les pieds sur terre, Jeune Hustler prévoit de sortir une flopée de singles avant la fin de l’année, et peut-être même « CHF » troisième du nom, histoire de clore sa trilogie, les yeux tournés vers le ciel.

Pour suivre toute l’actualité des artistes suisses, c’est juste ici !

Crédit photo Nadia Tarra
Journaliste : Francois Graz